Chaque jour, tu traverses ta peau. Tu parcours ton corps comme une carte au 25/1000e. Tu la survoles au plus près, et tu choisis des coordonnées GPS. Tu t’y poses comme un oiseau à une patte. Délicatement. Tu pourrais compter combien de fois tu le fais par an...
De combien de minuscules petits trous tu perfores cette membrane qui te sépare du monde, délimite concrètement ton espace personnel. Te définit par rapport à l’autre. Peu de gens ont la chance de la caresser d’aussi près. 6 fois 365 fois par an. Soit 2190 fois par an. Soit 39 420 fois depuis la première fois.
Voici 20 ans que j’essaie de photographier ce sujet. Jamais, je n’avais réussi à même commencer. 20 ans que je tourne autour de … moi ?
Les semaines de confinement m’ont offert ce repli créatif. Repli sur mon corps et ses essentiels. Le soin est mon quotidien car il s’agit de ma survie. Si je m’oubliais, alors je mourrais : gestes sans cesse répétés, calculs permanents, médicaments, appareillages, rendez-vous médicaux, aller-retours à la pharmacie, prévisions, organisation ... Toujours aux aguets, sinon la vie s’arrête.
Il y a eu ce jour où ma vie a changé.
Je suis diabétique, et depuis 20 ans, le soin est entré dans ma vie. Il s’est imposé brutalement avec son vocabulaire de l’existence. Du jour au lendemain, je suis devenue le patient et le médecin, tous les jours, 24h/24. Jusqu’à la fin, ma survie sera entre mes propres mains.
C’est un combat permanent, obligatoire et ... solitaire. Dès le premier jour de cette maladie, j’ai su que j’allais en baver, alors j’ai décidé d’en jouer et de la sublimer. Ma résilience se fera par le geste photographique chaque jour renouvelé. Savoir changer de point de vue, trouver une nouvelle esthétique et un nouveau registre sur un même sujet.
La maladie a-t-elle un sens ? Plutôt que de subir la maladie dont on est l’objet, l’envisager par le soin qu’on lui apporte, c’est lui donner son sens. C’est devenir un sujet, et c’est là qu’on trouve sa propre liberté.
Tout le monde n’est pas diabétique mais ce regard porté sur le corps, cette interrogation sur sa propre fragilité, chacun d’entre nous le ressent.
Prise et de vue et Tirage numérique sur papier pearl
Formats et nombre de tirages :
30 x 30 cm : 7 exemplaires
40 x 40 cm : 7 exemplaires
60 x 60 cm : 3 exemplaires